Père Roger Landry
Totem : Grand-Père Grand Héron
Kéno, mon camp depuis 50 ans!
Quel a été votre parcours au Camp de vacances Kéno?
Je suis arrivé au camp en 1966, comme moniteur. J’étais dans la hutte la plus près de la plage (aujourd’hui Décou 4). J’ai été moniteur durant deux étés puis, en 1969, je suis devenu coordonnateur du secteur Juniors. À cette époque, il y avait trois secteurs sur le camp : les Juniors, les Intermédiaires et les Seniors, qui sont aujourd’hui respectivement les Aventuriers, les Explorateurs et les Voyageurs. J’ai aussi été coordonnateur chez les Explorateurs de 1971 à 1974.
En 1975, j’ai occupé le poste de responsable des instructeurs, et j’étais également en charge de la programmation et des activités spéciales sur le camp. Pendant ces années, j’étais étudiant à la prêtrise et je côtoyais beaucoup le Père Paul Bélanger, le fondateur du camp, pour préparer les séjours et faire la sélection du personnel pour l’été à venir. En 1978, je suis devenu directeur du Camp de vacances, poste que j’ai occupé pendant 22 ans. Sur le site, j’étais alors surtout en charge de la programmation et du bon déroulement quotidien de la vie de camp, alors que mon collègue Jean-Yves LeBlanc était en charge du financement, du développement et de l’entretien des infrastructures. Hélène Coté s’occupait entre autres choses des relations avec les parents et les bénévoles.
Quel est votre endroit préféré sur le camp?
L’Amirauté! À une certaine époque, je passais six mois par année sur le site du Camp de vacances, et c’est là que j’habitais. Ce qui est bien avec cet endroit, c’est qu’il est central sur le camp. Les explorateurs devaient passer devant pour se rendre à la cafétéria et tous les groupes s’y rendaient chaque jour pour faire du canot. Il y avait beaucoup de trafic! J’adorais l’endroit!
Quel serait l’un de vos plus beaux souvenirs du camp?
La réparation de canots me rappelle certainement de beaux souvenirs, car j’en ai fait énormément! Je me souviens d’un été où le Père Paul et moi avons remis la toile sur plusieurs canots de bois. J’ai un bon souvenir également d’avoir fabriqué des canots en fibre de verre et trois canots en bois. Je n’oublie pas la pirogue! (sourire)
Je suis aussi très fier des éléments symboliques en relation avec le camp qui se sont développés quand j’y étais. Au départ, le monde des camps, c’était plutôt straight. On y allait pour jouer dehors et faire des activités. Puis, peu à peu, le côté émotionnel, l’attachement plus profond au camp s’est formé. On s’est mis à faire des cris d’équipe avec les jeunes, à composer des chansons de camp (on a même enregistré une cassette une fois!), et à monter des chorégraphies de canot, de danse, et même de kayak. Le personnel vivait un précamp de huit jours au début de l’été, ce qui tissait des liens d’amitié intenses et un sentiment d’appartenance très fort. On a aussi commencé à produire des objets symboliques, comme le drapeau de Kéno, l’aviron de l’année, et des petits canots de bois que les campeurs et le personnel pouvaient signer. Grâce à ces éléments, l’esprit de camp s’est beaucoup développer.
Des souvenirs d’expédition à partager?
Je me rappelle la fois où j’ai descendu la rivière Ashuapmushuan avec le Père Paul, lors de la Fête du Travail en 1973. Parfois aussi, à la fin de l’été, nous partions entre moniteurs sur la rivière Sainte-Anne, de Saint-Raymond jusqu’à la marina de Québec sur le fleuve! À l’époque où j’étais directeur, je partais parfois en courte expédition en même temps que les groupes de campeurs. J’ai fait tous les lacs de la région. Une fois, nous nous sommes complètement perdus sur un portage, à la tombée de la nuit. Nous étions incapables de retrouver le lac Caché, et nous nous sommes retrouvés près du lac Clair, à 9 h du soir. C’était magnifique, de beaux moments!
Selon vous, qu’est-ce qui fait que Kéno est différent et dure dans le temps?
Il est clair que la longévité de Kéno est due en grande partie à son caractère innovateur et formateur, qui est présent depuis sa fondation. Dans les années 60, un camp de vacances c’était en gros un terrain de jeu en forêt. Le père Paul a eu l’idée d’un camp de canot-camping pour tous les campeurs. C’était une belle révolution dans le monde des camps du Québec. Ça a été la même chose pour plusieurs activités de plein air. On a été le premier camp à avoir une paroi d’escalade naturelle (on a d’ailleurs essayé de garder ça secret au départ!), et à proposer des activités comme le canot en eaux-vives, le kayak et le vélo de montagne.
Aussi, on a gardé une grande autonomie financière par rapport aux subventions gouvernementales. Ça nous a en quelque sorte forcés à nous adapter au marché, à développer des nouveaux programmes, à être innovateurs justement!
Kéno 1966 vs Kéno 2016 : semblables ou fondamentalement différents?
Je constate que la base est restée la même depuis les débuts du camp : l’importance accordée au développement du jeune grâce à l’expédition et le sentiment d’appartenance sont toujours là, de même que le désir de toujours trouver quelque chose de nouveau. La philosophie instaurée par le père Paul, soit celle de contribuer au développement de l’enfant, de l’adolescence et de l’adulte par la vie de groupe, les activités de plein air et les expéditions de canot-camping, c’est quelque chose qui est encore présent.
Par contre, je vois que la gestion d’un organisme comme le Camp de vacances s’est énormément complexifié au cours des 50 dernières années. Les allergies par exemple, on n’avait pas ça dans mon temps!
Certains éléments de l’expédition ont aussi évolué, c’est sûr! Au départ, un groupe qui partait faire une chaîne de lac devait tracer lui-même sa route, il n’y avait pas de sentier de portage, ni de sites de camping aménagés! Et sur les rivières, les campeurs partaient avec des canots en fibre de verre et des gros kits de réparation, et ils faisaient VRAIMENT attention à ne pas les briser! (rires)
Que souhaitez-vous à Kéno pour les 50 prochaines années?
Qu’il reste toujours un endroit où les enfants peuvent vivre une expérience de dépassement, au sein d’un groupe, et que les moniteurs le vivent aussi. J’ai toujours dit aux moniteurs sous ma charge : « Vivez quelque chose de fort, ayez du plaisir et les enfants en auront aussi ».