L’organisation du programme
Au cours de ses trois premiers étés d’existence, le camp s’est développé tranquillement. L’expédition en lac a rapidement pris une grande importance dans l’expérience que vivaient les campeurs, et est devenue un moment fort qu’ils attendaient impatiemment pendant leur séjour. À cette époque, la descente sportive de rivière commençait à gagner de plus en plus d’adeptes au Québec et en 1969, la Fédération québécoise de canot-kayak camping (aujourd’hui la FQCK) voyait le jour. Les gens de Kéno suivaient de près ces développements, et le père Paul a même siégé sur l’un des premiers comités de la Fédération. Il a donc été très emballé lorsqu’il a reçu à l’hiver 1969 une proposition de Gabriel Robitaille, moniteur et pagayeur d’expérience, pour organiser des expéditions de descente de rivière pour les jeunes du camp.
Le père Paul a tout de suite aimé l’idée d’un groupe de campeurs plus vieux, qui profiterait d’une expédition plus longue sur une rivière. Le camp a cependant dû s’adapter sur plusieurs plans, notamment celui du matériel, afin de rendre possible cette nouveauté. Il était par exemple impossible de voyager avec les grandes tentes Prospecteurs que le camp possédait déjà, de franchir des rapides avec les canots de toile, ou encore de traîner l’équivalent de 10 jours de nourriture pour 10 adolescents et leurs moniteurs en cannage. Le camp s’est donc procuré de nouvelles tentes, canots, brûleurs et plats de cuisson, et a remplacé une partie des boîtes de conserve par de la nourriture déshydratée. Les équipes partaient avec des gros « kits » de réparation de fibre de verre pour les canots, et prenaient parfois une journée entière de leur expédition à remettre leurs embarcations en bon état.
Les différentes expéditions
Les premières rivières que les Voyageurs ont parcourues sont la Métabetchouane et l’Ashuapmushuan, toutes deux située dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ces rivières sont d’ailleurs toujours pagayées par les groupes de Voyageurs du camp aujourd’hui. D’autres expéditions en rivière ont été organisées au cours des années, notamment le parcours Kéno-Mino, où les Voyageurs partaient de la rivière Batiscan et se rendaient jusqu’au camp Minogami par la voie des eaux, en franchissant plusieurs lacs et rivières.
Quelques fois, les équipes ont pris le train pour se rendre jusqu’aux rivières situées au nord-ouest de Kéno mais la plupart du temps, Jean-Yves LeBlanc ou le père Roger allaient les reconduire en camionnette.
Les objectifs du programme Voyageur
La raison d’être de ce séjour était bien entendu l’expédition, mais il ne s’agissait pas seulement de descendre des rapides. Les campeurs étaient également très impliqués dans le processus d’organisation de l’expédition, et vivaient plusieurs activités de préparation avant le grand départ. Ils suivaient des cours de canot, recevaient des formations de premiers soins et se faisaient enseigner la morphologie (lecture des rivières). Ils partaient ensuite en expéditions préparatoires sur les lacs avoisinant le camp et sur une section de la rivière Sainte-Anne.
Leur véritable expédition durait habituellement entre 10 et 12 jours et à leur retour, ils préparaient un rapport détaillé de chaque journée, décrivant les portages, les rapides et l’expérience qu’ils avaient vécue.
Ainsi, dès ses débuts, le programme Voyageurs avait pour objectif de faire vivre aux jeunes et à leurs moniteurs une expérience de vie de groupe en plein air, de tisser des liens forts entre les membres d’une équipe. En expédition, les campeurs faisaient face à des défis continuels, qu’ils arrivaient à relever grâce à leurs forces personnelles et à celles de l’équipe. Dès les premières années du programme, les jeunes revenaient de leur expédition transformés par cette expérience.
Au départ, le secteur des Voyageurs vivait de façon assez indépendante du reste du camp. Ils avaient une programmation qui leur était propre, mangeaient après les autres et ne participaient pas aux rassemblements du matin. Lorsqu’ils n’étaient pas en expédition, ils dormaient dans les tentes Prospecteurs, installées à l’endroit où se trouve présentement le Gîte.
Peu à peu, ils se sont intégrés à la vie de camp, jusqu’à y devenir très impliqués. À leur retour d’expédition, un grand banquet était organisé en leur honneur, une tradition qui perdure encore aujourd’hui (dinde comprise).
Ils se rendaient ensuite dans les autres groupes pour parler de leur expédition, raconter des anecdotes ou même décrire des moments qu’ils avaient trouvés plus difficiles, des défis qu’ils avaient relevés. Les Voyageurs sont ainsi devenus en quelque sorte les « ambassadeurs » des expéditions, ceux que les autres campeurs regardaient avec envie en se disant qu’un jour, eux aussi auraient la chance de vivre une grande expédition en rivière.
Elisabeth Blais
Coordonnatrice aux communications